Qu’est-ce qu’elles nous apportent du rêves, les exoplanètes. Quand on pense à tous ces mondes lointains, orbitant autour de leurs étoiles respectives, si différents les uns des autres, on ne peut que se perdre à imaginer toutes les possibilités qu’elles portent.

Pour tout.e passionné.e d’astronomie, et même toute personne portant sa curiosité vers le reste de notre univers, l’histoire de la découverte de ces exoplanètes est une grandiose épopée de l’humanité repoussant encore une fois les limites de l’inconnu, et quel rêve est-ce que d’imaginer même y prendre part.

Pourtant elle est bien récente cette histoire, nous ne sommes sûr de l’existence des exoplanètes que depuis 1995, avec la découverte de 51 Pegasi-b à l’observatoire de Haute-Provence par Michel Mayor et Didier Queloz. Enfin on se doutait déjà bien avant de leur existence. Depuis, plus de 4000 exoplanètes ont été détectées dans notre galaxie.

Il se trouve que pas plus tard que la semaine dernière, sous la coupole d’ALCOR, nous avons réalisé l’impossible : nous avons nous aussi détecté une exoplanète. Enfin, nous n’avons bien sûr pas découvert une exoplanète encore inconnue, ce que nous avons fait c’est réaliser la détection d’une exoplanète déjà connue.

Je vous propose donc dans cet article, non pas de vous faire une explication scientifique détaillée du phénomène et des méthodes que nous avons utilisées, bien que cela soit évidemment fort intéressant, mais plutôt de vous conter cette chouette aventure, afin de vous donner un aperçu de ce à quoi peut ressembler un projet d’astro.

Au Magistère de Physique de Paris-Saclay, l’année de L3 se conclut sur une semaine de projet expérimental. Durant cette semaine, les étudiant.e.s doivent par groupe mettre en oeuvre des expériences physiques et réaliser des mesures, le but étant de mobiliser ses compétences expérimentales.

Dans notre groupe de quatre, nous sommes deux au bureau d’ALCOR, et on tombe d’accord pour réaliser notre projet dans le thème de l’astronomie. Il faut dire, nous avons un si beau télescope à disposition, ce serait quand même bête de s’en priver. Et puis la semaine du projet est début juin, on pourra profiter d’un beau ciel on se dit..

Bon, savoir qu’on veut faire l’astro c’est bien, mais encore faut-il un sujet. Évidemment, on voulait un bon sujet, intéressant et captivant, et motivant surtout. Vous pourrez dire qu’on a fait les difficiles, mais en tout cas on a décidé de partir sur tenter la détection d’une exoplanète par la méthode du transit. En sachant très bien que ça n’allait pas être simple, mais on a voulu tenter, et à raison je dirais maintenant.

Pour vous expliquer la méthode du transit, c’est très simple : c’est comme une éclipse, lorsque l’exoplanète passe devant son étoile elle diminue la luminosité que nous percevons de celle-ci. Il s’agit donc seulement de mesurer la luminosité de l’étoile durant un certain temps, et de peut-être observer une diminution de celle-ci sur un certain intervalle de temps.

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Enfin ce n’est pas aussi simple que l’on pourrait le croire, il n’était absolument pas certain que nos observations allaient donner quelque chose. La diminution de luminosité ne dépasse que rarement les 3% et sans de bonnes données suivis d’un bon traitement, la baisse de luminosité se serait perdue dans le bruit.

Nous avions donc envisagé un plan B : réaliser des observations de la Lune en parallèle afin d’avoir autre chose à exploiter si nos mesures pour l’exoplanète ne donnaient rien.

Une fois donc ce projet fixé, et approuvé par les professeurs, il fallait préparer les observations. La première chose à faire était de nous renseigner sur les exoplanètes que nous allions pouvoir observer. Pour cela nous avons utilisé ce site : http://var2.astro.cz/ETD/ qui procure une base de données de transit d’exoplanètes, avec toutes les informations dont nous avons besoin ; une mine d’or pour nous ! Nous constituons alors une liste de candidates pour nos observations, en sélectionnant selon les critères suivant : il faut que le transit ait lieu la nuit, bien après le coucher du Soleil donc pour nos dates après 23h, il faut que la luminosité de l’étoile associée soit ni trop faible ni trop importante pour nous. Enfin le plus important : il faut que la baisse de luminosité dûe au transit soit supérieure à 1.5%, sinon inutile d’espérer observer quoique ce soit. Ce sont des critères bien exigeants mais il faut bien ça pour espérer voir quelque chose. Nous ressortons ainsi une ou deux exoplanètes potentielles pour chaque soir.

Nous apprenons également que nous aurons pour nous encadrer, Raphaël Wicker, doctorant à l’Institut d’Astrophysique Spatiale, et par ailleurs ancien président d’ALCOR. Il nous aura beaucoup aidé, tout ça c’est aussi grâce à lui.

Passent alors les semaines, les examens finaux, et la date de la semaine du projet se rapproche. Une semaine avant le début, nous planifions la première observation au jeudi 27 mai, afin de profiter d’un beau temps annoncé. Et c’est là qu’arrive notre premier souci : grâce à Raphaël, nous remarquons deux jours avant que l’heure du transit indiquée sur le site est l’heure UTC, et que donc pour avoir notre heure à nous il nous faut faire +2h. Nous n’avions même pas pensé à vérifier ça, il s’en est fallu de peu que l’on rate tous nos transits à cause d’une simple question de fuseau horaire ! Heureusement nous avons pu refaire notre liste à temps.

Viens ainsi le premier soir d’observation. C’est le jeudi 27 mai, et il fait très beau. Mais je ne vous le cache pas plus longtemps, ça a bien été le seul point positif de cette soirée. Déjà, à peine le télescope démarré, on remarque tout de suite qu’il est très mal aligné, c’est-à-dire que lorsqu’on lui demande de pointer un objet précis, et bien il pointe bien à côté. Très pratique ça ! Surtout que l’étoile que l’on souhaite pointer n’est pas particulièrement brillante et perdue au milieu de centaines d’autres, et puis les différents coins du ciel ont quand même une fâcheuse tendance à pas mal se ressembler. Enfin on ne perd pas espoir, on installe la caméra au foyer du télescope, on récupère l’image sur un ordinateur, et on utilise un atlas du ciel sur un autre ordinateur à côté pour se guider. Le jeu à présent est d’observer attentivement les étoiles visibles à la caméra, et d’essayer de retrouver le motif sur l’atlas pour savoir où on pointe exactement. Vraiment pas évident, ni très amusant, vous vous en douterez. On est donc partis pour chercher, les heures passent, on trouve certains motifs puis on les perd. L’heure de début du transit est passée, mince ! On a raté le début. Bon tant pis, on continue de chercher quand même on aura peut-être la fin. Et là, comme si on n’était pas déjà bien bas, la connexion entre la caméra et l’ordinateur coupe on ne sait trop pourquoi, impossible de reconnecter. Bon, et bien on aura rien ce soir, tant pis. Au moins on se sera bien entraînés au maniement des outils d’observation, c’est déjà ça.

Notre belle coupole, par Maël

Mais ce n’est pas encore la fin de cette soirée, on reste à deux pour tenter de refaire l’alignement, afin de faciliter la prochaine observation. Ce n’est pas quelque chose de très dur à faire, il faut pointer des étoiles manuellement, et dire au logiciel de guidage qu’on est dessus pour le recalibrer. Enfin, c’est la première fois qu’on le fait, et on y passe bien une heure. Et une fois satisfaits de notre alignement, autant vous dire qu’on s’est fait plaisir : petite demi heure d’observation comme lot de consolation. Nébuleuse de la Lyre, Grand amas d’Hercule, autres amas globulaires, bref de chouettes observations à 4h du matin, un moment incroyable !

Moi qui observe au C8, par Maël

Les jours suivants pas d’observation, on travaille un peu la théorie. Finalement on planifie nos deuxièmes et troisièmes soirées d’observation les lundi 31 mai et mardi 1er juin. Lundi soir donc, nous voilà de retour sous la coupole, et c’est reparti ! On réinstalle le matériel, la caméra fonctionne de nouveau, à notre grand soulagement. Vient alors le moment de pointer l’étoile, et là la différence avec la dernière fois est flagrante : avec le télescope aligné on ne met que quelques minutes à trouver notre étoile. Finalement, tout est prêt juste au commencement du transit. Normalement, il vaut mieux commencer l’acquisition quelques temps avant, mais tant pis on prend. On lance donc la prise avec la caméra, des poses de 25 secondes répétées tout le long du transit, qui dure environ 2h. Pendant ces 2h, rien de bien passionnant à faire, il faut juste surveiller le suivi du télescope qui n’est pas parfait, et réajuster si besoin. Bon, on avait pas vraiment envie de se tourner les pouces pendant tout ce temps. On a un si beau ciel, on va en profiter ! Le gros télescope est pris, mais ce n’est pas grave : on en a d’autres à côté. On sort un télescope C8 sur la terrasse du bâtiment hbar et c’est parti ! Alors qu’on se relaie pour surveiller, on observe de chouettes objets, on peut dire qu’elles sont passées vite les deux heures. Une fois le transit passé, on continue l’acquisition un peu après, puis on termine et notre deuxième soirée est finie. On rentre chez nous quand même pas mal épuisés, avec les données récupérées en poche.

Le télescope C14 avec la caméra CCD, par Maël

On est alors le mardi 1er juin. L’exoplanète de ce soir est, de par ses caractéristiques, particulièrement prometteuse. Il faut que tout soit parfait cette fois ci ! Bien en avance dans la coupole, on décide de faire encore une fois l’alignement du télescope pour être sûrs, chose qui ne nous prend cette fois qu’une demi heure environ. C’est le moment de trouver notre étoile, et grâce à notre travail précédant c’est très vite fait : on pointe l’étoile recherchée plus d’une heure avant le transit. On décide de lancer l’acquisition une heure avant le début, pour avoir un beau signal précédent le transit. Une fois lancé, c’est comme hier : pas grand chose à faire. Cette fois-ci pas d’observation : on met de la musique et on code un peu, avant d’enchaîner sur des parties de Geoguessr, tout ça sous la coupole. Une soirée incroyable ! Le temps passe, on réajuste le télescope de temps en temps, puis le transit se termine. On arrête l’acquisition une demi-heure après, puis on range tout. Alors que l’on prend le chemin du retour, on voit déjà le Soleil se lever, il est 5h du matin passé. C’est maintenant le moment de passer une belle journée de sommeil.

Plateau de Saclay vu depuis la terrasse du bâtiment hbar, par Maël

On dispose donc à présent de données sur deux transits. Il est temps d’analyser tout ça. Les techniques d’analyse des données sont un peu compliqués et je vous épargne les détails, mais dites vous qu’on a passé deux jours à coder en python. Les soutenances de projet ont lieu le vendredi, il faut donc qu’on ait nos résultats jeudi soir. Sachant qu’on a bien dormi toute la journée du mercredi, ça nous laisse pas beaucoup de temps pour travailler. On sort des premières courbes de résultat le jeudi après-midi, sur les données de l’exoplanète de mardi. On semble voir quelques motifs, mais rien de bien certain. Même si on a pas le transit, ça reste des données intéressantes à présenter. Mais on ne perd pas espoir, on continue d’ajuster nos paramètres d’analyse dans l’espoir d’obtenir une jolie courbe de transit. Et c’est vers approximativement 18h ce jeudi, ironiquement juste après avoir annoncé à nos professeurs que nous n’avions encore rien, que l’inespéré se produit : après un long travail d’analyse on sort enfin une magnifique courbe que voici.

Courbe du transit, en abscisse le temps en minutes, en ordonnée la luminosité relative

En la voyant, Raphaël s’exclame “Mais elle est parfaite !”. La baisse de luminosité est clairement visible, et très significative. C’est incroyable, on a réussi ! On a détecté une exoplanète, un de ces mondes lointain dont on ignore presque tout.

Presque, car on peut quand même tirer quelques informations de notre courbe. Déjà la forme de bol, et non trapézoïde, nous informe que la planète a une atmosphère importante, qui rend progressive la diminution de luminosité. Mais on peut également estimer le rayon de la planète. Après calcul, on obtient un rayon qui vaut environ 1.296 fois celui de Jupiter. On compare avec la valeur trouvée dans la littérature scientifique : 1.341 fois le rayon de Jupiter avec une incertitude de 0.081. Autant dire que c’est pareil ! Tout porte à croire que nous avons donc affaire à une Jupiter chaude, ces planètes gazeuses qui gravitent très proches de leur étoile, elles sont très nombreuses à être détectées.

On présente nos résultats le lendemain, tout contents. Nos professeurs sont très satisfaits de nos résultats. Et ainsi s’achève cette aventure.

Personnellement, je n’en reviens toujours pas de ce qu’on a réussi à faire sous cette coupole. C’était vraiment une expérience incroyable.

À travers cet article, j’ai tenté de partager avec vous la magie de cette expérience d’astro, que j’ai trouvé suffisamment digne d’intérêt pour figurer ici. J’espère l’avoir suscité, votre intérêt, ainsi que votre curiosité. ALCOR est un endroit où l’on peut faire des choses merveilleuses, et cela continuera bientôt avec vous j’espère. Le couvre feu est bientôt terminé, et les observations ouvertes au public pourront bientôt reprendre, on vous attend nombreux !

Pour terminer cet article, je vous partage en bonus quelques photos prises lors de nos observations.

Nébuleuse de la Lyre M57
Galaxie dite du cigare M82
Amas globulaire M13
Amas globulaire M92

 

Hugo Candan, vice-prez d’ALCOR

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